EXPOSITION : Le Paris de la modernité

 

Après « Paris Romantique, 1815-1858 » et « Paris 1900, la Ville spectacle », le Petit Palais consacre le dernier volet de sa trilogie au « (Le) Paris de la modernité, 1905-1925 ». De la Belle Époque jusqu’aux Années folles, Paris continue plus que jamais d’attirer les artistes du monde entier. La Ville-Monde est à la fois une capitale au coeur de l’innovation et le foyer d’un formidable rayonnement culturel. Paris maintiendra ce rôle en dépit de la recomposition de l’échiquier international après la Première Guerre mondiale, période pendant laquelle les femmes jouent un rôle majeur, trop souvent oublié. Ambitieuse, inédite et trépidante, cette exposition souhaite montrer combien cette période est fascinante, en faisant ressortir les ruptures et les géniales avancées tant artistiques que technologiques. Le parcours présente près de 400 oeuvres de Robert Delaunay, Sonia Delaunay, Marcel Duchamp, Marie Laurencin, Fernand Léger, Tamara de Lempicka, Jacqueline Marval, Amedeo Modigliani, Chana Orloff, Pablo Picasso, Marie Vassilieff et tant d’autres. L’exposition montre également des tenues de Paul Poiret, de Jeanne Lanvin, des bijoux de la maison Cartier, un avion du musée de l’Air et de l’Espace du Bourget et même une voiture prêtée par le musée national de l’automobile à Mulhouse.

À travers la mode, le cinéma, la photographie, la peinture, la sculpture, le dessin, mais aussi la danse, le design, l’architecture et l’industrie, l’exposition donne à vivre et à voir la folle créativité de ces années 1905-1925.

L’exposition, dont le parcours est à la fois chronologique et thématique, tire son originalité du périmètre géographique sur lequel elle se concentre largement, celui des Champs-Élysées, à mi-chemin des quartiers de Montmartre et de Montparnasse. S’étendant de la Place de la Concorde à l’Arc de Triomphe et à l’Esplanade des Invalides, il comprend le Petit et le Grand Palais, mais aussi le Théâtre des Champs-Élysées, ou encore la rue de la Boétie. Ce quartier est au coeur de la modernité à l’oeuvre. Le Grand Palais accueille alors chaque année la toute dernière création aux Salons d’Automne et des Indépendants, y sont montrées les oeuvres du Douanier Rousseau, d’Henri Matisse, de Kees van Dongen parmi tant d’autres.

Durant la Première Guerre mondiale, le Petit Palais joue un rôle patriotique important, en exposant des oeuvres d’art mutilées et des concours de cocardes de Mimi-Pinson.

En 1925, il est au centre de l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes où se côtoient pavillons traditionnels, Art Déco et de l’avant-garde internationale. À quelques pas, dans l’actuelle avenue Franklin Roosevelt alors appelée avenue d’Antin, le grand couturier Paul Poiret s’installe dans un superbe hôtel particulier en 1909. Il marque les esprits en y organisant en 1911 la mémorable fête de « La Mille et Deuxième Nuit » pour laquelle le couturier crée des tenues accompagnées d’accessoires. Le lieu abrite aussi la galerie Barbazanges, où Les Demoiselles d’Avignon de Picasso est révélé pour la première fois en 1916. L’artiste vit rue de la Boétie avec sa femme Olga. L’exposition évoque leur intérieur et permet de se plonger dans leur intimité. Après la guerre, la galerie Au Sans Pareil, avenue Kléber, s’ouvre à Dada et au Surréalisme. Avenue Montaigne, le Théâtre des Champs-Élysées, ouvert en 1913, accueille les Ballets russes puis les Ballets suédois jusqu’en 1924 avec des créations comme Relâche et La Création du Monde. En 1925, Joséphine Baker, fraîchement arrivée à Paris, y fait alors sensation avec la Revue Nègre. Elle fréquente Le Boeuf sur le Toit qui s’installe en 1922 rue Boissy d’Anglas où Jean Cocteau attire le Tout-Paris.

Cette histoire du « Paris de la modernité » n’est pas linéaire, elle est marquée par de nombreux « carambolages ». Les scandales qui rythment la vie artistique sont évoqués : la « cage aux fauves », le « Kubisme » de Braque et Picasso, le très érotique Nijinski en faune pour la création du Sacre du Printemps par les Ballets russes en 1913, le ballet Parade de Cocteau en pleine guerre dont l’exposition montre les costumes conçus par Picasso. La modernité absorbe ces scandales, qui finissent même par devenir des étapes incontournables de la consécration des artistes. La modernité passe également par les progrès de la technique et de l’industrie. Tout s’accélère avec le développement des cycles, de l’automobile et de l’aviation auxquels des salons sont consacrés au Grand Palais. Le parcours, qui présente un aéroplane et une voiture Peugeot, montre comment la fréquentation de ces salons par des artistes comme Marcel Duchamp ou Robert Delaunay influence durablement leurs oeuvres. La guerre voit les photographies déferler dans la presse. Le développement du cinéma, les machines et la vitesse transforment la société et Paris en un spectacle urbain, tel que celui offert depuis le Théâtre des Champs-Élysées par Fernand Léger dans Ballet mécanique, en 1924.

L’exposition entend également mettre en valeur le rôle des femmes durant cette période. De 1905 à 1925, les mutations sociales sont spectaculaires. Les femmes se libèrent du corset. Des artistes comme Marie Laurencin, Sonia Delaunay, Jacqueline Marval, Marie Vassilieff ou encore Tamara de Lempicka participent pleinement aux

avant-gardes. Symbole d’émancipation féminine, la silhouette de la garçonne est immortalisée par Victor Margueritte en 1922.

Avec sa coupe courte et ses fines hanches, Joséphine Baker en est aussi l’incarnation. Métisse, elle qui arrive de Saint-Louis aux États-Unis où elle a vécu, enfant, de terribles émeutes raciales, s’émerveille d’être servie dans un café, sur les Champs-Élysées, comme tout le monde. Paris devient sa ville et la France, son pays. Joséphine Baker s’inscrit dans un mouvement de métissage croissant au sein de la société française. L’Antillaise Aïcha Goblet, célèbre modèle d’artiste, est immortalisée par Vallotton. Le bal de la rue Blomet se déchaîne au rythme des Biguines. Des bas-fonds interlopes aux cercles mondains les plus huppés, des personnalités telles que Max Jacob ou Gertrude Stein jettent des ponts. Les plus pauvres croisent les plus riches à Montparnasse, et les plus chanceux retiennent l’attention de généreux mécènes, comme Chaïm Soutine, avec le milliardaire américain Albert Barnes. Venant du monde entier : Europe de l’Est, Brésil, États-Unis, Russie, les artistes comme les touristes font plus que jamais de Paris la « capitale du monde ».

La scénographie réalisée par Philippe Pumain nous plonge dans cette période foisonnante et passionnante, rythmée par de nombreux films de René Clair, Fernand Léger ou encore Charlie Chaplin.

 

Photo :

Gino Severini, La Danse du pan-pan au « Monico », 1909-1960 (réplique de l’original de 1910-1911). Huile sur toile, 280 x 400 cm. Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris. Paris, Centre Pompidou – Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle © ADAGP, Paris 2023 Photo © RMN-Grand Palais (Centre Pompidou, MNAM-CCI) / Hélène Mauri.

 

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